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LU 

DANS LA PRESSE

ÉCRAN NOIR

 

Parmi ces treize courts animés, souvent épurés, il y a forcément des poèmes qui nous séduisent plus que d’autres. A l’instar du modèle indépassable du genre, dans le domaine musical, Fantasia.

Si on devait en garder trois, ce serait Automne de Hugo de Faucompret, où des créatures à la Miyazaki se mélangent à un trait presque impressionniste ; A toutes les dégotes et à tous les dingos, d’Augustin Guichot, habile mélange d’argot qui “slamme” et de comédie musicale jazzy qui ferait écho aux Triplettes de Belleville (c’est aussi le seul film où le personnage s’exprime) ; Ville et cœur d’Anne-Sophie Raimond, tourbillon absurde et un poil déjanté qui évoque l’univers de Jacques Tati, et qui réussit une transposition moderne du poème.

Notre préféré reste Carte postale de Fabienne Wagenaar, en papier découpé et stop motion. L’inventivité et la singularité de l’animation est proprement cinétique, à la fois sobre et ludique, sublime et juste, s’appuyant sur une écriture visuelle ingénieuse.

TÉLÉRAMA


Après ceux de Jacques ­Prévert et de Robert Desnos, c’est au tour des poèmes de Guillaume Apollinaire d’être mis en images par les jeunes diplômés des écoles de cinéma d’animation françaises. Treize films de trois minutes — textes lus par Yolande Moreau, Thibault Vinçon ou Pascal Greggory —, dont le poignant Carte postale, de ­Fabienne Wagenaar, évocation de la guerre de 14-18 en papier découpé, flétri, déchiré. 
 

LE MONDE

Après s’être consacré à Prévert en 2014 et à Desnos en 2015, le merveilleux programme En sortant de l’école invite à la rencontre de Guillaume Apollinaire. Une fois encore, le résultat de ces rêveries à quatre mains, joignant le génie du poète au talent de l’animateur, donne l’un des plus beaux rendez-vous animés de l’année.
D’une exceptionnelle variété de formes et de tons, les programmes ressemblent à l’idée qu’on se fait de leurs poètes. Apollinaire a cela de particulier que la destinée du poète l’inscrit nettement dans un mouvement chronologique : la personnalité d’Apollinaire s’y devine dans la perspective de sa mort prématurée en 1918.
Au-delà des impressions variées laissées par chaque film – l’euphorie un peu ivre d’A toutes les dingotes et à tous les dingos, la chaleur familiale du Repas, le lyrisme du Pont Mirabeau –, l’ensemble est traversé d’une mélancolie grandissante à mesure que l’on sent, en mots et en images, comment la guerre transforme l’âme avant d’avoir raison du corps (voir le bouleversant Carte postale, dans lequel Fabienne Wagenaar anime les cartes portant les mots du soldat à sa belle).
C’est une leçon d’histoire autant que de poésie, et une preuve de plus, pas nécessaire mais superbe, de l’éternelle vigueur des vers d’Apollinaire. 

FILMS EN BRETAGNE

 

Après une formation d’illustratrice à l’école Estienne à Paris et aux Arts Décoratifs de Strasbourg, Fabienne Wagenaar poursuit son parcours à La Poudrière, dont elle sort diplômée en 2014. Elle réalise Carte Postale, à partir d’un poème d’Apollinaire, pour le programme « En sortant de l’école », qui se déroule pendant la première Guerre mondiale. 

En lisant le dossier de présentation de son court métrage professionnel il y a quelques années, lors d’une commission, je me suis dit que cette jeune réalisatrice témoignait d’un intérêt certain pour les sujets historiques puisque Plus douce est la nuit aborde la difficile question de la décolonisation en Afrique de l’Ouest dans les années 60. Un sujet complexe, beaucoup de personnages (des officiels français, un militaire arrivant de la métropole, un missionnaire disparu, des colons sur le départ, des habitants africains hostiles), des décors chargés, le tout réalisé en peinture animée et en animation directe : un film ambitieux et « casse-gueule » comme on dit.

J’ai eu le plaisir, en avril dernier, de pouvoir assister à la projection d’équipe organisée par JPL Films et de découvrir le film sur grand écran. Non seulement, il était réussi, mais au-delà de ce que j’avais pu imaginer. La visite des studios deux jours plus tard m’a permis d’apprécier la beauté des peintures de la réalisatrice, donnant immédiatement l’envie de monter une exposition.

Revoir le film dans la grande salle de Bonlieu, en séance officielle, fut un plaisir renouvelé. Je l’ai même redécouvert. Comme tous les grands films, il faut le voir et le revoir pour en apprécier toute la subtilité et la réussite.

Fabienne Wagenaar qui a travaillé sur La Traversée avec Florence Miailhe, signe un film en peinture animée remarquable. Le travail sur les couleurs (qui permet d’identifier chaque personnage, et notamment cette petite fille au ruban jaune qu’on n’oubliera pas de sitôt), les lumières (aveuglante à l’extérieur de la ville portuaire, sombre et étouffante dans les intérieurs ou lorsqu’on pénètre dans la forêt), les décors très documentés et détaillés (la réalisatrice est partie en Côte d’Ivoire un mois), la mise en scène (peu de gros plans, des plans d’ensemble renforçant le côté perdu et observateur du personnage principal), la maitrise de la technique m’ont enthousiasmée.

Le spectateur⸱rice épouse le point de vue du jeune officier de l’Armée française qui mène une enquête qui lui échappe dans un monde inconnu qui résiste. Quel personnage sera la porte d’entrée vers la découverte de la vérité sur cette disparition ? Cette femme en blanc ? La petite fille ? Le sculpteur ? Le mystère est palpable. La séquence de la forêt (qu’on ne révèlera pas) est d’une grande puissance. Le film se termine chargé d’une grande émotion, l’officier à jamais marqué par ce voyage initiatique, témoin de la fin d’un monde.

Isabelle Vanini, juin 2024

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